(un joli cadeau de la part d’un joli copain)
(un joli cadeau de la part d’un joli copain)
Je lui ai pris Pif un peu au pif et aussi parce que les unes macronisantes ne le tentaient pas plus que ça et à sa sœur le dernier numéro de Schtroumpfs parce que ça la schtroumpfait pas mal avec les gommettes en plus tu m’étonnes. Je lui ai fait l’article, faut dire que y’en a de bons dans Pif, en tout cas dans mon souvenir car Placide ne m’amuzo plus depuis longtemps. Je lui ai dit que les gadgets c’était de la crasse, il m’a cru et du coup il l’a pris. J’ai pour ma part choisi la Une macronisante. La Une à Nîmes qui ne m’a pourtant pas tellement convaincu.
Quand j’étais gosse mes parents ne voulaient pas que je prenne Pif parce que les gadgets étaient foireux. Ils craignaient aussi que l’hebdo m’adhère au Parti communiste. Il faut reconnaître que Georges marchait pas droit. En tout cas mes pièces de 10 francs n’auront pas suffi.
Je lui ai parlé du passé mais pas du PC. Il avait le pif collé dessus, mon sympathique sympathisant, alors il l’a pris. Pour l’avion, et pour les Pifises.
Je lui avais bien dit que c’était de la crasse. J’ai ricané quand il a versé sa poudre de Perlimpinpin dans l’eau, pourtant Perlimpinpin est un Dieu toujours vivant. Il s’attendait à voir plein de petits copains apparaître, tendre enfant solitaire, des petits Pifises dans l’appartement, nous voilà bien. On est partis en voyage et ça nous a fait l’avion puis tout le séjour : quand on reviendra, les Pifises…si ça se trouve, y’en aura partout des Pifises…on ne pourra peut-être même pas ouvrir la porte, tellement y’aura de Pifises…ils auront peut-être descendu les bières de Papa, les Pifises…ils auront éventuellement croqué tes doudous, les Pifises. Là c’était moins drôle d’un coup.
Ben c’est pas de la blague, en rentrant chez moi quatre jours plus tard, je me suis quand même demandé s’il n’y aurait pas une ou deux larves dans l’eau. Mais non, rien. Les enfants étaient déçus.
On est passé à autre chose mais il ne fallait surtout pas vider l’eau, au cas où, et on a quand même versé la deuxième poudre magique, au cas où aussi, la poudre qui alimente les Pifises mais qu’il ne fallait surtout pas verser dès le premier jour mais seulement une semaine après, d’ailleurs ça ne faisait pas tout à fait une semaine et Grand Frère Lion commençait à se demander si allait marcher et je commençais à me dire qu’il était temps qu’il se pose véritablement la question. J’ai gardé la flotte avec rien dedans, les enfants sont partis, je suis resté avec mes Pifises parce que je n’arrive pas toujours à passer à autre chose. Et que les enfants sont « trop petits pour être malheureux », comme dit la chanson chérie.
J’ai vu plein de trucs depuis qu’ils sont partis : des gamins jouer du piano sur Facebook et ils jouent super mal, des gamins dans les parcs et ils crient très fort, des gamins des autres que j’aime beaucoup et que je ne suis pourtant pas allé voir, finalement, et je m’en suis voulu parce que ce sont les seuls gamins que j’accepte de faire rire quand les miens ne sont pas là. Et aussi des gamins en photo, c’étaient les miens.
Alors j’ai fait le ménage. Les Lego dans la boîte à Lego. Le Pif Gadget dans l’étagère ad hoc. Le capitaine Haddock dans les tas « G.R. ». Les prospectus dans la pochette à souvenirs et les dessins dans la pochette à dessein. J’allais vider l’eau mais j’ai vu un Pifise mort né, enfin un Pifise quoi, je n’allais pas le foutre en l’air, faut pas foutre en l’air, faut foutre en l’eau, vite la deuxième poudre magique, fantasme néonatal ou délire prélétal je ne savais pas bien, je n’ai pas tout versé parce que je me suis souvenu que lui non plus il ne finissait jamais ses biberons, et là fallait reconnaître qu’il y avait bel et bien un copain qui flottait.
J’ai quelques amis qui flottent en ce moment.
Je l’aurais volontiers pris en photo pour l’envoyer à mon gamin, petit ami des larves, mais c’est con un Pifise : c’est translucide.
En transe mais lucide j’ai dû faire un choix : garder le Pifise, le nourrir, et avoir enfin un petit copain sympa pour mon gamin, ou bien l’abandonner au tout à l’égout. Le garder c’était bien parce que pour une fois, un gadget Pif aurait duré plus d’une semaine, mais le garder c’était s’attendre à le voir claquer (voir la taille de l’ersatz de pseudo crevette) et imposer un deuil difficile à mon fils. Mon p’tit fils, son Pifise, quitter l’un, garder l’autre, je n’y comprenais plus rien.
Alors j’ai reversé un peu de poudre dans l’eau, en attendant le lendemain.