Lors de ma réunion parents-professeur de jeudi je promets sur la tête de mon tableau blanc interactif que le directeur fera court et qu’il y aura un courant d’air, de la fenêtre à la porte ou l’inverse.
C’est la réunion de grande section. J’y vais pour faire plaisir à ma fille et à sa maman parce que je sais déjà qu’on pratique la motricité tous les jours et la motricité fine tous les jours aussi. Au fait c’est quoi la motricité pas fine ? Ben la motricité large, la motricité bourrine, l’EPS, le sport quoi. Enfin on joue avec des cerceaux. Il fait chaud dans la classe et les deux maîtresses assurent qu’elles correspondent tous les mercredis (mon œil) et qu’elles entretiennent un cahier de liaison (mes fesses). Moi j’ai chaud je voudrais partir d’ailleurs je pars, présentant des excuses excessivo-maladroites à la maîtresse et demandant à un enfant passant par là où on peut se rafraichir un peu, voire s’asperger d’eau, foutue cagnasse, foutues salles exiguës, foutue situation. Je reprends ma place tout con tout confit tout confus, mon ex-femme qui n’est pas encore mon ex-femme me demande si ça va je dis ben oui, ça va. Mes genoux sont à l’étroit sous la table de maternelle, je préférerais une marelle avec Bébé Lionceau ou un baby-foot avec Grand Frère Lion mais ce ne serait pas bien vu d’autant que la directrice arrive. Elle nous parle de communication bienveillante mais elle n’est pas foutue d’ouvrir la fenêtre qui donne sur la rue, pourtant ça ferait un joli courant d’air bienveillant mais non, sans ouvrir le moindre carreau elle nous suggère de venir le samedi échanger. A propos de la communication bienveillante. Mais c’est pas vrai, ils tapent tous leurs enfants ou quoi ? Moi je suis bienveillant avec mes enfants, je les serre un peu fort parfois ça doit leur faire mal dans les côtes mais ils ne s’en plaignent pas. Je n’ai pas besoin de leçons de bienveillance, je suis bienveillant avec mes enfants et aussi avec mes 25 élèves et je suis même bienveillant avec leurs parents, et ça c’est méritant. Enfin l’autre jour dans la rue j’ai hurlé sur la mère d’A mais ils faut dire qu’elle n’était pas bienveillante avec le portail et qu’elle voulait appeler la police parce que son fils était à l’étude et qu’elle n’avait pas que ça à faire, attendre comme ça dans la rue. Je pense au contraire qu’elle n’a que ça à faire et comme ça l’ennuie que son fils étudie elle s’occupe en démontant le portail de l’école, bon d’accord je lui ai hurlé dessus, mais de façon bienveillante, après elle a juré dans une langue inconnue, j’ai juré aussi, on n’était plus très bienveillants mais et pour une fois ça m’a rendu service qu’elle ne parle pas français.
Il fait de plus en plus chaud, je sens la présence de la maman de mes enfants derrière moi, je sais qu’elle voudrait bien s’en aller elle aussi, on est cons aussi à y aller tous les deux.
Ca finit enfin, je m’offre une petite marelle avec ma fille, elle se marre, elle, elle a bien de la chance, elle, et moi aussi parce que son petit rire là, celui qu’elle a inventé pendant l’été ou qu’elle est allée pécher je sais pas où ben c’est pas qu’un rire, c’est de la bienveillance en barre pour son papa, je voudrais qu’elle rie de longue alors pour qu’elle rie un peu plus je demi-tourne sur « Ciel ». Si elle avait eu un élastique, je lui aurais appris la chaise. J’aurais inventé en tout cas parce que la bienveillance ça ne s’apprend pas le samedi matin avec la directrice, ça se passe par la main et par le rire.
Nous quittons l’école en pestant et en rigolant. C’est bon de pester et rigoler, c’est fédérateur. C’est malveillant pour la directrice mais c’est bon.
Il y a un fond de champagne sirupeux genre pas bon mais paraît-il bon quand-même alors je monte les escaliers et descends le champagne. On se reverra demain pour la réunion de Grand Frère Lion, on va se revoir alors je m’y revois un peu. Mais l’heure tourne, j’aurais bien aimé être bienveillant encore un peu. Mais non, je brise les côtes de mes deux enfants et puis je pars.