Ça commence à Héraklion où le musée archéologique est si unanimement incontournable que nous choisissons de lui préférer le musée des technologies antiques et c’est plutôt intéressant. Ainsi, selon les Grecs, la Terre serait ronde. Nous avons loué un petit appartement qui a pour seul charme celui de la praticité et dans lequel nous avalons des tonnes de pain, de tomate et de feta, avant de récupérer notre voiture de location ; ce sont à présent les kilomètres que nous avalons. Ca devait se passer en Golf mais ça se déroule finalement à bord d’une Fiat Tipo 85 canassons pas très dynamiques, carrosserie rouge bougainvillée en fin de floraison, sellerie sable, le modèle avec le coffre qui ouvre mal et les disques qui couinent. Les playlists succèdent aux playlists et nous voici à La Canée, c’est plus joli qu’Héraklion quoique les deux grandes villes me font le même effet : celui de la présaison où les glaciers rodent encore leurs gestes sur le passage des touristes qui sont heureusement suffisamment peu nombreux pour que l’air reste respirable. Nous repartons assez vite vers Kissamos et nous établissons chez Laura qui nous nourrit de sourires et de tyropita. Nous y passons trois nuits et décidément c’est bon les petits beignets aux épinards. Nous découvrons la joie des bains turquoise à Falasarna et à Elifonissi, c’est quasiment désert, des airs de paradis mais ça doit être l’enfer en été et je dois le penser très fort car je le répète plusieurs fois par jour au point que c’en devienne agaçant à en croire les deux voyagistes associés. Les routes de montagne sont d’autant plus décoiffantes qu’on y a le droit de doubler en coupant les lignes continues et ça c’est pas dans tous les pays alors je ne boude pas mon plaisir. J’imagine même pas en Golf. Tout aussi pittoresque, il y la manie d’abandonner son vieux pick-up dans le fossé. Le long des routes, les Toyota n’ont plus rien de fantastiques. Quelques grottes, des tavernes, de la plage encore, un coucher de soleil, tous les ingrédients sont réunis et même l’huile d’olive qui, méthode Coué ou simple plaisir d’y être, est encore meilleure que chez nous. Ici le jambon est cubique et le cheddar se tranche à la meuleuse. Il y a des Coca jaunes et on fait de la moto sans casque. C’est important les particularismes. Les petits ports authentiques sont un poil plus décevants, les hippies sont partis depuis longtemps et les estivants rongent leur frein. Il n’y a pas grand monde à l’extrémité occidentale de la Crète, mi-avril.
Bon enfin il y a nous, on y va de nos kalimera et de nos evkaristo. On se marre bien. Il y en a un qui fait les photos et qui tient le carnet de voyage avec talent et causticité, quand l’autre y dessine des trucs super mignons dedans. Eux deux sont plein d’autodérision et portent un regard assez malin sur notre route, les gens qu’on croise et les paysages traversés. Pas de via ferrata, pas de hors-bord, on n’a pas appris le grec avant de venir et on n’a pas cherché à croiser le Minotaure. Mais on rit, on écrit, on dessine. Ce carnet je le cale avec soin dans la valise et ma tête car il vaut plus cher que tout ; je ne l’égarerai jamais.